Récemment, deux questions posées dans la Communauté YL m’ont profondément interpellé. En apparence, elles semblent sans lien. Et pourtant, elles touchent toutes deux à l’essence même de la voie de Yoga.
Première question : Tout le monde peut-il chanter les mantra ?
Une élève avait entendu dire que seuls les pratiquants d’une certaine religion pouvaient réciter des mantra.
Deuxième question : Peut-on mélanger différentes lignées de Yoga ?
Une autre élève avait entendu : surtout ne pas mélanger, il faut suivre une seule lignée, point.
Quel est le lien entre ces deux interrogations ? Elles révèlent un phénomène préoccupant : la montée d’un certain sectarisme dans le monde de Yoga.
Quand Yoga devient une affaire de dogmes
Cela devait arriver. On a tout fait pour. Des phrases de plus en plus courtes. Des slogans faciles à retenir. Des concepts limités à cinq mots. Un discours formaté pour les réseaux sociaux.
Résultat ?
Une pensée simplifiée à l’extrême, une vision binaire du monde (le bien/le mal, fidèle/infidèle, dans la lignée/hérétique), et une perte de nuance… qui mène tout droit au sectarisme.
Et cela ne touche pas que la politique ou les médias. Ça touche aussi Yoga.
Les mantra sont-ils réservés à certains ?
D’abord, parlons des mantra.
Contrairement à ce que l’on pense souvent, traditionnellement, les mantra ne sont pas chantés : ils sont récités, répétés. Et surtout, ils ne sont pas nécessairement liés à une religion. Il s’agit avant tout d’une science du son et des vibrations.
Dans de nombreuses civilisations anciennes – Inde, Égypte, Chine – les sages ont étudié comment le son influence notre champ énergétique et mental. Chaque syllabe, chaque vibration a un effet. Et certaines séquences sonores ont été soigneusement choisies pour guider le mental vers le calme, la clarté, l’éveil.
Ce qu’il faut comprendre d’un mantra, ce n’est pas à quelle religion il appartient, mais quelle transformation intérieure il soutient.
Bien sûr, il existe différentes familles de mantra :
- Ceux des Veda ou des Upanishad (parfois dits “purs”) visent la purification et le recul intérieur.
- D’autres, issus des traditions comme les tantra, agissent sur des plans plus spécifiques et demandent une préparation mentale et énergétique plus avancée.
Mais aucun ne nécessite de “croire” en une religion. Ce qui importe, c’est de capter son essence.
Faut-il suivre une seule lignée ?
Certaines pratiques avancées, notamment énergétiques, nécessitent de la cohérence. Dans ces cas-là, mélanger des techniques issues de différentes lignées peut être contre-productif si l’on ne comprend pas ce que l’on fait, ou si l’on suit un protocole énergétique précis.
Mais ce principe ne s’applique pas à tout. Et surtout : ce n’est pas un prétexte pour imposer un dogme rigide.
Je viens d’une lignée. J’ai également été initié dans d’autres. Je n’en parle presque jamais. Pourquoi ?
Parce que dans les lignées sérieuses, ce n’est pas ce qui compte le plus. La lignée n’est révélée qu’après des années de pratique, lorsque le maître sent que l’élève est prêt à poursuivre un chemin plus profond.
La lignée est un outil de transmission, pas une carte membre. Elle n’a de valeur que si elle aide à garder vivant un savoir, pas si elle sert à exclure ou à diviser.
La voie de Yoga est une voie de clarté, pas de règles figées
J’en parle aujourd’hui parce que ça me touche. Parce que je ne suis pas encore assez avancé sur la voie pour que ce genre de chose me laisse indifférent. Mais aussi parce que la voie de Yoga est claire :
Retrouver la clarté d’esprit, percevoir sans les filtres de nos peurs, conditionnements, croyances.
Et dans cette quête, il n’y a pas de place pour le sectarisme, ni pour des listes rigides de “fais ça / ne fais pas ça”.
Vous voulez mélanger le Qi Gong et les asana ? Très bien.
Vous voulez réciter “Om Namah Shivaya” tout en étant chrétien, musulman, juif, athée ? Parfait.
Si cela vous aide à vous ancrer, à vous éveiller, à vivre avec conscience… c’est Yoga.
Et si on revenait à Patanjali ?
À ceux qui vous disent que ce n’est pas “dans la tradition”, je cite Patanjali, dans le tout premier sutra :
Atha Yoga Anushasanam
Maintenant, commence l’enseignement de Yoga, dans ce moment présent, pour ceux qui sont prêts à le recevoir, transmis par quelqu’un qui en a l’expérience.
Aucune mention de religion. Aucune mention de lignée.
Juste une invitation. Simple. Profonde. Libre.
En conclusion
Le Yoga est une voie de liberté. Une méthode pour mieux percevoir la Réalité. Une discipline vivante, vibrante, intérieure.
Ne laissez personne vous enfermer dans une case ou une croyance. Ne laissez pas des phrases simplistes remplacer la profondeur de votre expérience.
Pratiquez, explorez, ressentez.
Et surtout, avancez librement.