Écrit par Pankaj Saini

Les mantras agissent directement sur notre mental et le changent de manière subtile. Cependant, il ne s’agit pas de simplement chanter un mantra afin d’avoir ses effets. Regardons ensemble les bases de la science des mantras.

Qu’est-ce qu’un mantra ?

Le mot « Mantra » (Sanskrit : मन्त्र) trouve ses racines dans le mot « Man », qui veut dire « penser ». Panini, qui est considéré comme l’autorité sur la grammaire du sanskrit, défini la racine « mantr » comme « parole protégée/secrète ». La répétition d’une parole/d’un son protégé est Mantra.

Cependant, afin de réellement comprendre le sens de Mantra, parlons d’abord des origines du son. D’où viennent-ils ? Pourquoi le son de « S » ou « M » existe ? Qu’est-ce qui a fait qu’un moment donné, notre mental à inciter notre bouche à prononcer un son en particulier, qui, par la suite, donnera naissance aux mots ?

Notre conscience (Purusha) cherche à comprendre ce qu’il aperçoit. Le rôle du mental est de lui permettre de comprendre. Une étape essentielle à la compréhension, c’est nommer/définir ce que l’on aperçoit. Le son, c’est ce qui est produit par les vibrations de prana quand Purusha extériorise cette compréhension.

Prenons un exemple. Purusha aperçoit le plan d’existence où nous vivons et le comprend. Cette compréhension génère certaines vibrations à l’intérieur de nous. Quand le mental cherche à exprimer ces vibrations, grâce aux cordes vocales et au mouvement de Prana, deux sons spécifiques sont produits : la consonne « Bh » et la voyelle « Ou ». Ainsi, en Sanskrit, on appelle ce plan d’existence « Bhu ». Et peu à peu, cette compréhension va donner naissance à la langue parlée.

Chaque son venant d’une consonne ou d’une voyelle est ainsi lié à une vibration spécifique, qui, par la suite, va générer un effet spécifique dans nos énergies internes, et modifier le champ du mental.

Comment le mantra agit sur notre mental ?

Afin de réellement capter le pouvoir des mantras, il est important de comprendre le rôle du son dans Yoga.

Yoga nous enseigne que tout ce qui existe est formé des 5 éléments primordiaux (les 5 mahabhutas) : l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre. Chacun de ces 5 éléments est également lié à un sens cognitif et un sens d’action.

A lire : Qu’est-ce que Yoga ?

L’éther (Akasha) est l’élément le plus subtil (et ainsi le plus puissant) de ces 5 éléments primordiaux. Tous les autres éléments ne sont qu’une transformation de l’éther. Il est aussi celui qui est le plus proche de notre mental (à noter, le mental n’est pas le cerveau).

L’élément d’Akasha est lié au sens cognitif de « l’ouïe » et à l’organe d’action de la « parole » (vak). Ainsi, tout son et toute parole ont une action beaucoup plus subtile que celle produite par les 4 autres sens cognitifs. Ce qui donne le pouvoir au son d’agir directement sur notre mental.

Ainsi, plus on va prononcer un son en particulier, plus cela va impacter le champ du mental. Et plus cela va changer notre champ du mental.

C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle le Niyama (observance) de Shaucha (la pureté de parole, corps et mental) est considéré si important en Yoga. Car si la parole (son) n’est pas claire et pure, cela va générer un manque de clarté dans le mental. De même, durant la pratique des Yamas de Yoga (les éthiques), ce que nous disons (et ce que nous pensons) est tout aussi important que ce que nous faisons. Parce que plus on va prononcer un style de mots/phrases/idées, plus ils vont également changer notre mental de manière similaire.

Prenons de nouveau un exemple. Plus on va exprimer/laisser apparaître/parler de la violence, plus notre mental va produire des processus qui deviennent générateurs de la violence à travers nos actes. Pareillement, plus on va parler/penser/exprimer la non-violence, plus le mental va produire des processus qui vont nous amener vers la non-violence.

Quand il s’agit des mantras, qui sont prononcés en Sanskrit et suivent un rythme spécifique, l’effet est encore plus fort. Parce que l’on utilise les sons qui ont des vibrations subtiles et ont ainsi un effet direct et puissant sur notre champ du mental.

L’importance de la prononciation et du rythme du mantra

Chaque consonne et chaque voyelle en sanskrit sont liés à une vibration (et donc à une énergie) particulière. Alors l’effet de prononcer « Ba » ne sera pas le même que de prononcer « Bha ». Les deux sons vont générer des vibrations différentes dans notre champ du mental, et donc également des effets différents.

Chaque mantra, et c’est notamment le cas des mantras venant des Vedas, a été finement étudié afin de produire un effet spécifique sur notre mental. Lorsque que nous prononçons mal un son, cela peut produire un effet plutôt inverse à ce que l’on cherche.

A lire : La prononciation correcte de Hatha Yoga

Un exemple type sera durant la prononciation du Gayatri Mantra. Un des sons qui est souvent mal prononcer c’est celui de dhi (qui est souvent prononcé comme di). Cependant, le son de dhi est lié à notre champ du mental, qui n’est pas le cas de di, ce qui fait que le mantra cesse d’agir sur notre champ du mental.

La deuxième chose qui joue sur l’impact des mantras sont le rythme et le mètre (chandah). C’est surtout le cas des mantras qui contiennent plusieurs mots. Chaque mantra possède son propre rythme. Par exemple, Gayatri Mantra est nommé ainsi parce qu’il est prononcé dans le mètre Gayatri. Tout comme la prononciation, ces rythmes ont également des effets spécifiques sur notre mental. Par exemple, quand « Aum Bhur Bhuvah Svaha » est dit dans le rythme Gayatri, il donne automatiquement la direction à l’énergie générée par le reste du mantra.

A noter ici : les mantras ne sont jamais « chantés » à proprement parler. Ils sont « dits ».

Les 4 niveaux de répétition des mantras

Afin de faire des changements profonds dans notre mental, un mantra doit être répéter à plusieurs reprises. Souvent, les nombres de chants sont comptés par 108. Ces répétitions sont faites pour une durée limitée, qui est lié aux mouvements de la lune. Une fois un nombre spécifique de répétition a été fait pour une durée prédéterminée, on considère que l’on a acquis « le pouvoir d’un mantra ». C’est-à-dire que le mantra a réussi à impacter notre mental.

Par exemple, certains mantras doivent être prononcés 100 000 fois sur une lunaison afin d’acquérir leur pouvoir. (C’est-à-dire 1000 répétitions de 108).

A lire : Méditation sur Aum

Durant ces répétitions, il existe 4 niveaux différents. Dans le premier niveau, le mantra est prononcé à voix haute. C’est le niveau le plus grossier. Dans le deuxième niveau, le mantra est chuchoté. Ensuite, il est répété mentalement (sans son). Et dans le dernier niveau, une fois notre mental a bien capté les vibrations des trois niveaux précédents, le mantra se répète lui-même. Ce niveau c’est Japa-Ajapa, et il est considéré comme étant le plus subtil (et donc qui agit le plus directement et de manière puissante) sur le mental.

A noter cependant : il est important d’acquérir la maitrise d’un chaque niveau avant de procéder au niveau suivant. Si on démarre directement par le niveau 2, par exemple, le mantra ne pourra pas agir sur notre mental parce que les vibrations énergétiques n’auront pas été mises en place dans notre corps physique.

Comment apprendre les mantras

Il y a trois aspects qui sont importants dans l’apprentissage des mantras : la bonne prononciation, apprendre le rythme (si valable) et comprendre le sens du mantra. Ces trois étapes sont nécessaires pour tous les mantras.

C’est cette troisième étape qui est souvent le plus difficile. Quand on parle de la compréhension d’un mantra, on ne parle pas simplement de sa traduction ni même des explications détaillées. On parle plutôt de sa compréhension profonde, qui implique également un vrai travail sur soi.

Ce travail est à faire à la fois sur notre mental, et à la fois dans notre quotidien. Par exemple, si on souhaite chanter « Aum Shanti, Shanti, Shanti », il est non seulement important de comprendre la signification de shanti, mais également pouvoir ressentir la paix profonde qui se cache derrière ce mot.

C’était une des raisons pourquoi les traditions préféraient un vrai travail initiatique durant les transmissions des mantras. Les mantras étaient transmis uniquement comme une partie d’un enseignement global, et pas séparément.

Photo de couverture : aslı tokuç on Unsplash

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  • Bonjour,
    Je vous remercie pour ces explications, elles sont riches et motivantes.
    Namasté

  • Je n en connait que quelques-uns et j avoue ne pas toujours être sûre de les dire comme il faut et d en être un peu gênée. Je préfère les écouter mais cela n a peut-être pas le même effet?

  • Bonjour,
    Je pratique régulièrement la répétition de mantra chanté ou japa-ajapa avec différents niveaux de prononciation.
    C’est une façon pour moi de me relier à une autre dimension de moi-même et me sentir plus calme et posée durant la journée. C’est article est vraiment très complet, et donne envie d’aller encore plus souvent expérimenter cette magnifique expérience que sont les son tel que les Bijas, et mantra.
    Avec toute ma reconnaissance
    Namasté

    • Bonjour Monique. Je suis tellement d’accord avec vous. Grâce aux mantras on arrive à se connecter avec les dimensions dont l’existence on ignorait !

  • Bonjour Pankaj,
    Je lis et relis ton article sur les MANTRAS : toujours aussi passionnant. Merci pour toutes ces explications !
    Une question cependant : que penser des bols chantants utilisés seuls ou associés à une pratique posturale ?
    Belle journée.
    Christine

    • Bonsoir Christine,

      Chaque bol va amener sa propre vibration. Donc tout dépend de si la vibration a été étudié pour son effet, et si ces effets sont souhaitable dans la pratique. Mais sinon les pratiques sur les sons des gongs étaient assez commun dans les traditions !

  • Bonjour Pankaj,
    Concernant le rythme des mantra, il existe parfois plusieurs variantes quand on recherche sur YouTube. Cela dépend-il de celui qui le récite ( en fonction de son « école ») ou bien le mantra prend-il un niveau d’énergie différent?

    • Bonjour Emmanuelle,

      Cela dépend du mantra. Il y a des mantra qui viennent des Védas. Et là, les rythmes sont assez précises (même s’il y a parfois certaines variations d’un école à l’autre). Ensuite, il y a les mantra plus tardives où les rythmes étaient moins étudiés. Et là, effectivement, on peut les prononcer avec les rythmes différentes qui changeront l’effet du mantra.

      Le rythme a tout autant d’effet sur le chant que le mantra lui-même donc il reste quelque chose de très important.

      Belle journée

      Pankaj

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