Récemment, je tournais quelques vidéos pour faire une mise à jour sur la masterclass les Yama de Yoga, et j’aimerais vous partager ce que je disais au sujet d’aparigraha (souvent traduit par “non-convoitise”, mais plus précisément ce yama nous parle de l’importance des limites).
Un des enseignements clés de l’hindouisme est que le potentiel de chaque être est illimité. Ce purusha – ce Soi – qui illumine notre chemin – plus on s’approche de lui, plus on est capable de faire tout ce que l’on veut ! Et personnellement, j’y crois dûr comme fer – d’autant plus que j’ai eu l’occasion de vraiment l’expérimenter dans ma vie !
Mais quand j’étais jeune, ce même potentiel était… un très grand frein !
Je ne voulais jamais me limiter ! Yoga, oui. Asana, oui. Pranayama, oui. Étude, oui. Amis, oui. Tout, oui ! Je voulais tout, et je voulais tout réussir !
Sauf que… le potentiel de l’être est sans doute sans limite… mais le corps a les siennes, le temps ne l’est pas, ni l’énergie !
Et bien sûr, je n’arrivais pas à tout réussir. Du coup, quand les notes à l’école n’étaient pas très bonnes, je culpabilisais. Je me disais “il faut que je fasse mieux”. Je m’énervais contre moi-même. Je mettais plus d’énergie dans les études… et j’échouais tout le reste !
À chaque fois que je n’étais pas “assez bon” dans quelque chose (d’après moi), je mettais plus d’énergie dedans… et tout le reste en souffrait ! Et puis la perte de confiance, et les “je ne suis pas assez bien” ou encore “mais si, il faut juste que je me pousse un peu – c’est possible – regarde, les autres y arrivent !”
L’enseignement d’aparigraha
J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, et je suis tombé sur un enseignant qui n’était jamais dans les sur-simplifications. Donc aparigraha m’a toujours été expliqué d’une manière très juste. Mais il y a l’enseignement… et puis mon envie de l’écouter !
Voici ce que veut dire aparigraha = “a” (absence de), “pari” (transcender), “graha” (lieux d’habitation/maison). Donc aparigraha devient “absence de l’envie de transcender les limites de sa maison”. Et Patanjali ajoute : à travers cela vient la connaissance de toutes les incarnations que l’on a vécues.
Donc essentiellement, Patanjali nous conseille de connaître et respecter nos limites, ne pas passer nos vies à vouloir repousser ces limites, et toujours vouloir plus, plus, plus.
Comme vous pouvez bien imaginer, ce n’était absolument pas ce que j’avais envie d’entendre ! Moi, je voulais plutôt que l’on me dise : “Pankaj, tu es sans limite. Tu peux tout faire. Vas-y. Go ! Devient le meilleur dans tout !”
Quand le sport enseigne Yoga…
Ce serait tellement beau de pouvoir dire : “un jour je méditais et soudainement la lumière m’est venue et j’ai compris ce que disait Patanjali”… mais, non ! Pas du tout ! Vous savez comment j’ai eu mes premières compréhensions de ce sutra ?
Sur le terrain de basket !
Il y avait une équipe contre qui on perdait à chaque fois. On n’était pas des mauvais joueurs. Mais peu importe combien notre équipe s’entraînait – on perdait (et pas qu’un peu, 15-20 points d’écart !).
Notre entraîneur appelle un collègue pour critiquer notre entrainement. Et ce collègue nous regarde 1h – et puis dit “mais évidemment vous perdez – ils veulent tous être les meilleurs dans tout !”
Et ils changent nos entraînements. Moi qui adorais marquer des points, on me met uniquement sur la défense. Rebond. Défendre. Pas le droit de même jeter une balle vers le panier durant les entraînements.
Je ne vais pas vous cacher combien ça m’a énervé. Mais le prochain match… ben on gagne !
La sagesse de Patanjali
L’être est infini, son potentiel est infini, mais le chemin pour accomplir ce potentiel commence en se limitant !
En soi, c’est très simple et très logique. Plus on passe de temps dans “notre maison”, plus on explore nos propres capacités et limites, mieux on se comprend, et plus ça devient facile de bâtir le chemin vers la maîtrise des choses.
À l’inverse, plus on veut “tout réussir” (comme c’était mon cas), plus on se pousse, plus on se fatigue et on se disperse, et moins on arrive à avancer.
La sagesse de ce sutra est, bien sûr, plus profonde que cela. Mais je voulais vous partager mon expérience personnelle en espérant qu’elle vous apporte un nouvel éclairage sur ce yama et son impact dans notre vie et notre voie.
