Écrit par Pankaj Saini

Comment Patanjali aurait-il enseigné les postures de Yoga ? Aujourd’hui, regardons la posture du Guerrier 2 (Virabhadrasana II) d’après les Yoga Sutra de Patanjali.

Les Yoga Sutra de Patanjali ont été formulé il y a plus de 2000 ans. Il s’agit d’un des premiers manuels de la pratique de Yoga, qui nous montrent le chemin vers la liberté. Avec Bhagavad Gita et Yoga Vashishta, il s’agit d’un des trois textes essentiels de Yoga.

J’ai choisi la posture du Guerrier 2 car c’est une posture que j’adore pratiquer ! Mais aussi parce qu’elle illustre bien l’état d’esprit dont on a besoin pour persévérer dans la voie de Yoga : l’esprit d’un guerrier.

Que dit Patanjali

Avant que l’on ne décompose la posture, j’aimerais attirer votre attention sur quelque chose. Les 3 sutra dédiés aux asana se trouvent dans le deuxième chapitre. Ce sont les sutra 46 à 48. Avant qu’il ne parle des asana, pendant près de 100 sutra, il est en train de développer plusieurs concepts comme la cognition juste, les éthiques, les valeurs, les observances et les devoirs d’un yogi. Tous ces concepts sont d’une grande importance afin de réellement capter la pratique des asana.

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Nous allons nous concentrer sur deux choses : premièrement, ce que Patanjali dit à propos de la pratique de Yoga. Et finalement, ce qu’il dit à propos des asana.

Yoga est atteint grâce à la pratique (abhyasa) et le non-attachement (vairagya). L’effort nécessaire pour amener notre champ du mental dans un état où il est posé et immobile, c’est la pratique. Cette pratique s’établit fermement quand elle est continuée pendant une longue durée, sans pause et avec dévotion.

Yoga Sutra I.12 à 14

Regardons cela à travers le filtre d’une posture. La première chose que ces sutra nous enseignent, c’est que l’objectif de notre pratique n’est pas physique. Notre objectif est mental. On s’en fiche si nos hanches sont parfaitement ouvertes ou pas. On s’en fiche si notre pratique nous aide à perdre du poids. Tout cela va nous amener bien loin de Yoga. Notre pratique doit nous aider à poser notre mental. La deuxième chose, tout aussi importante, c’est que la pratique doit se poursuivre sans pause et pendant longue durée. Et finalement, on doit la faire avec dévotion.

Si je suis crevé à la fin de ma pratique, je ne pourrais pas la faire sur une longue durée et sans pause. Pareil, si je me mets la pression pour pratiquer, je ne vais jamais réussir à tenir dans la durée ! L’idée d’une pratique est toujours de « stimuler », jamais « fatiguer » le pratiquant.

Dans les traditions, on mettait appliquait cela de la façon suivante :

  1. La pratique démarrait toujours assis. On prenait le temps d’amener le mental dans l’instant présent, prendre conscience du souffle, et se rappeler la nature de la voie de Yoga.
  2. On démarre avec un chant de mantra, pour nous connecter avec quelque chose qui nous transcende, et ainsi nous aider à nous éloigner de l’attachement que l’on peut avoir avec notre corps, nos pensées.
  3. Quand on parle du postural, vinyasa krama était fortement utilisé. Donc on démarrait en samasthiti, qui peut être une posture debout ou assise. On démarrait dans cette posture et on y revenait après avoir fait notre posture en question. Ce samasthiti devenait le moment où on posait les énergies générées durant notre asana.

Ces points, bien sûr, sont valables pour toutes les postures, et pas juste le guerrier 2.

Virabhadrasana 2

On est prêt à rentrer dans le guerrier. Mais regardons ce que dit Patanjali : ce qui est fermement posé, immobile et confortable est une asana.

Fermement posé et immobilité. Les deux sont liés, et se déclinent sur plusieurs niveaux dans une asana.

Le niveau mental

Image : Pavuluri satishbabu 123, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Le premier niveau est purement mental. La posture que je vais faire c’est la posture du guerrier. Mais pas n’importe quel guerrier. C’est la posture de Virabhadra : un avatar de Shiva, le guerrier béni. Et dans cette posture, Virabhadra a repéré sa cible et s’apprête à l’attaquer. Quand on fait une posture… on cherche à se connecter avec une énergie particulière afin d’en tirer les bienfaits sur notre corps et notre mental. Pour que le guerrier 2 ait un sens, il faut que l’on arrive à se connecter avec cette énergie du guerrier béni qui a repéré sa cible. Et cette idée du guerrier doit être fermement posée dans notre esprit.

Le niveau énergétique

Quand on parle de l’immobilité, quand on parle d’être fermement posé… L’eau n’est pas immobile ! L’air non plus ! C’est la terre qui peut être immobile, s’il n’y a pas d’autres turbulences. Dans n’importe quelle posture, on a besoin de la terre. Et aussi d’assurer que les autres éléments ne perturbent pas notre travail et soient plutôt dirigés par l’élément de la terre. Dans le guerrier 2, nos deux centres d’attentions sont nos pieds, à travers pada bandha, et notre coccyx et périnée, à travers mula bandha.

Le niveau physique

Si vous regardez la plupart des cours de Yoga… on a à peine terminé une asana que l’on est déjà en train de bouger le corps vers la prochaine posture. Même rentrer dans une posture… on va le faire d’un seul coup. Rien n’est réellement posé. Rien n’est réellement immobile.

Cette immobilité ne dépend pas du nombre de souffle. C’est l’immobilité dans l’instant. C’est… comme un mariage ! Imaginez épouser quelqu’un, et puis tous les matins vous demander si vous avez bien fait, mal fait, si vous auriez dû faire autrement… ça l’enfer !

C’est la même chose dans le travail postural. Chaque placement est comme un mariage. On pose. Et on ne questionne plus, sauf s’il faut obligatoirement questionner (par exemple, si vous avez mal quelque part). La clé : aller étape par étape. Poser une étape, et ensuite passer à la suivante. Par exemple, l’ouverture des hanches. Ensuite, on étire les bras. Mais on ne pense pas à étirer les bras pendant que l’on est en train d’ouvrir les hanches. Pareillement, on ne pense pas à l’ouverture des hanches pendant que l’on est en train d’étirer les bras ! Terminez un mouvement, et ensuite passez au suivant.

Ouverture des hanches

Et quand toutes les étapes sont posées, finalement on s’assied dans la posture du guerrier 2.

Mais Patanjali dit une autre chose : confortable. Ce qui est immobile… et confortable. Il ne nous parle pas d’extase. Il ne nous parle pas d’euphorie. Il nous parle de simplement d’être bien dans la posture. Il y a deux clés pour savoir si on est bien dans une posture ou pas :

  1. On a mal nulle part,
  2. On respire bien, profondément et avec un souffle complet.

Tant que l’on est bien, on peut rester dans la posture. Si le souffle commence à s’accélérer… on revient ! C’est aussi ce qui va décider jusqu’où descendre, combien ouvrir les hanches, quel écart il y aura entre les jambes. Et ça va changer d’une personne à l’autre. Ce qui est bien pour une personne ne sera pas forcément bien pour une autre.

Perfectionner la posture

Aujourd’hui, quand on parle de perfection posturale, on a les images d’Instagram dans notre tête. Il faut que le corps soit ainsi. Il faut que les angles soient parfaits !

Mais que dit Patanjali ? Il dit : quand l’effort est relaxé, et fusion avec l’infini ; l’asana est perfectionnée.

Comment peut-on relaxer l’effort ? Déjà, avec l’entraînement. Quand j’apprenais, on avait un temps dédié au renforcement du corps, au travail sur la mobilité, au travail sur la souplesse. On ne mélangeait pas cela avec la pratique des asana.

Mais le reste… c’est mental. Si on est sans cesse en train de penser : mes hanches ne sont pas assez ouvertes. Mes cuisses sont trop grosses. J’ai trop de bidon… et bien, on ne pourra jamais relaxer l’effort. Et il n’y aura jamais la fusion avec l’infini. D’ailleurs, le mot fusion avec l’infini est très intéressant. Aujourd’hui, Yoga, c’est pour le corps. Mais pas pour Patanjali ! Quand il parle d’asana, il nous incite à transcender le corps. Devenir un avec notre souffle… et ce qui est à l’origine de ce souffle. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’on peut dire que l’asana est perfectionnée. Mais dès que ce stade est atteint… même si vos hanches ne sont pas très ouvertes, même si votre posture n’est pas esthétiquement parfaite… c’est tout de même une asana perfectionnée !

Le sens d’asana

Bien sûr, quand Patanjali formulait ses mots… il ne pensait pas à la posture du guerrier 2. Certains commentateurs pensent qu’il ne parlait que des postures assises. Mais ils se trompent. A vrai dire, il ne parlait pas des postures physiques du tout. Il parlait de l’asana que l’on pose dans nos vies. Mais ça… ça c’est tout un autre sujet !

J’espère que cet article vous aura plu et vous aura aidé. Si les questions vous viennent, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires !

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  • Bonjour,
    Merci pour cet éclairage très intéressant. Vous semblez dissocier asana et renforcement du corps pour accéder à un confort dans la posture. Qu’entendez-vous par renforcement ? Y a -t-il des exercices spécifiques ?

    • Bonjour Dominique,

      Globalement, Asana Vijnana peut être divisé en deux parties. Première partie s’appelle Vyayama : exercices physiques. Ces exercices ont également deux aspects : Sthula (grossier) et Sukshama (subtil). Le travail “grossier” se concentre sur la mobilité, renforcement et la souplesse musculaire. (Donc les divers exercices comme les squat, pompes, traction, etc pour renforcement; d’autres exercices pour mobilité et ensuite pour la souplesse). Deuxième étape est de travailler (à travers le souffle et le mouvement), l’énergie un peu plus subtile.

      Travailler ces exercices physiques prépare le corps et le mental pour la pratique des asana

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